1 Avril 2011
La forêt au printemps est comme l'éclatement d'une émoton irrépressible. Emotion verte et fleurie qui monte en houle, fulgure en chants d'oiseaux. Partout il y a ce feu d'artifice de vie. Le silence noir et froid de l'hiver est rompu pour des mois. La vie va tenir ses multiples promesses.Et la forêt devient une cathédrale aux vitraux de feuillages à laquelle la lumière du soleil donne des teintes caressantes. Les bourgeont gonflent, craquent, s'allument, s'illuminent. Les sèves bouillonnent silencieusement et fusent en formes de beauté.
Toute la forêt pavoisse de couleur : vert clair, vert acide, vert mat, vert bleu, vert gris, brun, ocre, fauve, blanc, jaune, or, rose, pourpre, bleu, violet, orange, rouge... Les esprits de la nature, ces coloristes et architectes secrets s'affairent, dirigent et orchestrent toute cette montée de sang muticolore. Les pollen strient l'air. Je reçois des bouffées de poudre blonde d'un coudrier proche.
La lumière du ciel, cette lumière bleutée, envahit tout, remplit ma vision d'homme. Elle est si jeune, si fraîche, si étincelante qu'elle me désaltère jusqu'au fond de moi-même...
Je marche dans les frissons accumulés de l'air. Je déplace des ambiances. Je progresse au coeur d'une émeraude qui palpite. Et les oiseaux tissent sans répit une douce et mouvante tapisserie musicale. Ils sont tous au rendez-vous de la création sonore : le merle, le roitelet, la tourterelle au roucoulement rafraîchissant, le pinson à l'ariette qui s'épuise en célébration, le coucou, cette mystérieuse horloge des bois, la mésange, le loriot en habit jonquille, le ramier, la fauvette à tête noir et tant d'autres...
Des jets d'abeilles, lourdes de charges, traquent sans répit les âmes des fleurs. Les hamadryades sortent des arbres et dansent autour d'eux.
Et j'avance, j'avance toujours, j'avance dans la poésie pure. Les mousses respirent.
Des joies s'élancent, des luttes implacables se préparent. Sous d'anciens lits de feuilles mortes des larves engourdies vont sortir de leir sarcophage pour éclore en papillons. Déjà sont tendus les pièges d'ouate gluante des araignées.
Et je marche, je marche dans ce coeur d'intensité qu'est la forêt. Un écureuil d'une branche à une autre. J'avance toujours dans le coeur de l'émeraude. Des parfums allongent leur invisible clarté. Quelle profusion! J'avance encore et bientôt j'atteins le lieu d'où partent toutes les pulsations de ce d'émeraude : Noïark!...
Mario Mercier "Soleil d'arbre" éditions Albin Michel